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instants philosophie

Loi morale, éthique ontologique

11 Février 2017, 09:23am

Publié par pascal doyelle

 

Puisque l’on a perdu le sens de l’universel, tous les discours tombent dans la réalité, ce qui veut dire dans la disparition et préalablement dans les discours morcelés, envahis par les immédiatetés, ce qui veut dire par les intérêts du monde, des groupes, des egos. Lorsque Kant suspend la loi morale au-dessus de tout intérêt et de toute réalité, de toute réalité, ça n’est pas pour enluminer le ciel, mais parce qu’il existe un point de vue supérieur à tous les points du vue, non en ce que ce point supérieur contredit les points de vue du monde, mais en cela qu’il les fonde, les autorise, les rend possible. Tandis que les discours dévorés par l’intérêt immédiat se nient les uns et les autres, ce qui est normal, mais se nient les uns les autres sans aucun horizon sur lequel les relativiser ; n’étant plus relativisés par l’horizon du principe, les discours ou les comportements engagent une lutte à mort, et produisent toutes les violences. Se dresse alors la ligne de mort qui circonscrit la vie selon le monde immédiat ; par laquelle ligne tout affrontement glisse invariablement vers la mort de l’autre, de soi, la mort tout court ; le donné c’est ce qui disparait.

Ce à quoi l’on assiste, dans la fureur des intérêts immédiats, ce qui veut dire faciles et de pente glissante, c’est à l’abandon de l’horizon au profit de la ligne de mort comme logique sans principe du comportement. Comprenons que l’on tombe toujours et constamment vers la ligne de mort de la réalité, c’est immanquable, mais que l’on peut suspendre la ligne par l’horizon ; doté de principes on peut orienter la réalité, mais abandonnant tout principe on est dévoré par le donné. Quels principes, c’est la question de la morale kantienne et de l’intentionnalisation ; il faut entendre « morale kantienne » non comme « morale », mais « morale » comme un dispositif technologique capable de supporter le maximum de réalité, certes, et de réel, de structure, celle qui n’est pas mais existe. La technologie kantienne, nietzschéenne, etc.   

Mais la vie, la vie en commun ou individuelle, augmentée d’un principe est difficile ; difficile en soi parce qu’il faut réfléchir, et difficile dans la réalité vécue et le relationnel parce que l’on est toujours pris dans le chantage, et l’auto chantage, et la lutte à mort ; on sait que l’autre risque constamment d’amener les enjeux vers la ligne de mort ; (ou lorsque des menaces sont soupçonnées pour le moins ; sois tel sinon) et que l’ennemi ne restera peut-être pas raisonnable du tout. Il ne l’est même peut-être pas du tout ; ce à quoi nous incline à penser certains maitres du doute par exemple ; la loi morale kantienne réduite à un alibi impossible, on le sait qu’elle est impossible, c’est pour cela qu’elle est morale, ou intentionnalisatrice.

Et elle est morale non pour la joliesse ou pour s’amener hautement, mais parce que la loi morale est l’universel et que l’universel est le seul moyen d’augmenter la possibilité intentionnelle, ce qui veut dire d’augmenter la capacité de chacun pour lui-même d’abord (parce qu’il n’est aucune raison pour que je me laisse tomber, que je délaisse mon moi, déjà enfourné en de sales draps, et m’affligeant de tous ces discours morceleurs et martelés, que j’embraie le dénigrement de moi-même, en plus des marteleurs), et d’augmenter la confiance que l’on doit imaginer en l’autre, ce qui a pour finalité d’augmenter les possibilités intentionnelles dans le monde humain. L’universel n’est ni un alibi, ni une illusion mais est une règle dont l’enjeu est la qualité et la quantité intentionnalisatrice.

Que l’on ait un inconscient ou que le cours du monde demeure effectivement les intérêts immédiats, tout le monde le sait. Ça n’est absolument pas la question. La question est : aura-t-on la présence d’esprit pour contrebalancer cet état de fait ?

Que l’on ait pu faire passer la loi, morale, l’universel pour une construction irréelle c’est n’être plus même en mesure de comprendre que le principe, l’idéel, le sujet parce qu’ils ne sont pas de la réalité mais uniquement du côté du réel,  que le principe existe avant. Dans l’antériorité de toute réalité qui s’estime selon ce qui n’est pas, ce qui existe. Et antériorité structurelle qui ne relève donc pas de la réalité pauvre et morcelée. Et comme le principe, la loi existent antérieurement, elle ne contredit absolument pas la réalité, le vécu ; le sujet ne contredit pas le moi ; il ne prend pas la vie de plus haut (ce que l’on croyait avant, en identifiant l’arc intentionnel à l’universel, à cette forme universelle), non de plus haut mais de plus loin ; qu’il y ait un plus loin, veut dire qu’il y a un présent ; c’est le présent qui tire le passé. L’arc de conscience ne s’oppose ni au conscient ni à l’inconscient (ou ce que l’on nomme tel). Le sujet cartésien ne vient pas annuler le moi donné ; et il ne s’institue pas non plus comme l’idéal auquel il faudrait conformer le moi.

Descartes le sait bien qui tente d’admettre dans son dispositif le moi vécu, percevant et ressentant et à trouver le cheminement qui relie, articule le sujet dans le moi, en tant qu’il n’est un moi que parce qu’il existe un sujet, aussi impossible et autre soit-il. Descartes ne peut pas interrompre la réalité par la structure (l’arc de conscience tel qu’il commencera d’être inspecté par Husserl, et ensuite par Sartre et Lacan), mais est obligé d’opposé ou de superposer une « chose pensante » à la chose donnée ; dont on voit bien cependant que cette chose pensante est difficile et absconse, essentiellement volatile et souple, si l’on peut dire.

Enlevez le sujet, le moi et l’humain s’écroulent. Ils s’effondrent dans le morcellement des immédiatetés, en lesquelles on élit telle ou telle image comme si cette partie du monde s’imposait comme signifiant tout le monde ; or le « monde » n’est pas du tout situable, Kant nous dit qu’il n’existe pas de concept de monde, que si il en existe une image, elle sera seulement une figuration imaginaire, mais non pas réelle (ce qui veut dire que « certaines images », et alors elles sont plus que des images, elles sont des œuvres, que certaines images donc soient capables de représenter le monde de telle sorte que soudainement vous y soyez appelés comme sujet, mais c’est l’articulation du sujet soudainement invoquée qui engage au monde ou au vécu ou au corps, et non parce que telle image effectue réellement le monde, insituable ; soit donc l’obtention d’images si structurées, distordues, autres et accumulées qu’elles instancient en votre arc de conscience non une superposition immédiate, mais qui renvoie à la structure, une image qui supporte le miroir en lequel elles surgissent ; images accumulées qui contiennent en elles-mêmes de manière fulgurante, d’autres images et d’autres sujets).

Se tenir de l’universel chacun y est prescrit depuis la révolution, la révolution consiste en cela. Et la révolution huasse chacun dans la forme ; on peut encore se satisfaire des immédiatetés (il n’y a que cela dans le monde), mais on peut désormais assumer les immédiatetés via et au travers de l’universel ; l’universel, la forme surintentionnelle, extrait chacun de son donné, et fonctionne comme non pas une objectivité extérieure, massive, étouffante, mais en tant que rendant à chacun accessible la variation intentionnalisatrice ; ça n’est pas seulement le langage ou la représentation mais la forme universelle (du langage poussé au-delà de son donné parce qu’) ayant effet individualisant ; l’universel existe afin de surélever l’individuel ; et le sens de cette surindividualisation (qui courre depuis les grecs, et ne fut institué que depuis la révolution, unique, celle qui parcourt la terre entière sous différentes formules), le sens de la surindividualisation est la réalité d’une part et le réel d’autre part. La loi morale n’est donc plus instruite au même sens antérieurement et postérieurement à la révolution ; mais postérieurement elle ne peut ni ne doit contredire l’universel (alors que visiblement beaucoup eurent tendance à nier ou détruire et l’universalité et l’universel ; l’universalité des droits de l’homme, du sujet, et l’universel de la réalité, au profit d’une représentation aléatoire de l’être, comme Volonté ou Etre ou Multiplicité, etc).

Et il est alors très difficile de coïncider l’universel et l’individué nouvellement acquis, aussi pour avancer on pousse à son tour l’individualité vers l’individué, pur et brut. L’universel engoncé dans l’individué parait une absurdité ; on ne voit pas du tout le rapport. Il faut, pour comprendre la structure, remodeler toute la configuration. A savoir au final que la réflexivité n’est pas limitée à l’universel mais que la réflexivité s’étend à toute l’activité de conscience (qui n’est pas le conscient et qui produit ce drôle de Corps bizarre), et  au fin fond à toute l’activité du réel ; le réel existe réflexivement et ça se nomme le présent.   

Les vagues de l’immédiateté surgissent de tous les replis du monde, du vécu, du corps ; elles surgissent spontanément et envahissent toujours l’arc de conscience ; ramenant sans cesse celui-ci vers le bas, non le bas du point de vue « moral », mais parce que le bas c’est la moindre possibilité de conscience , la moindre confiance, la moindre possibilité, la possibilité en fait qui ne se conçoit plus comme possibilité mais seulement d’effigie en images quelconques (toutes les images sont quelconques en comparaison de l’arc bruyant du réel de structure). On a cru ou pu croire que telle image ou monde ou immédiateté ou identité manifestait une fulgurance, une plus vraie réalité que la formalité du principe et du structurel, et effectivement on a pu se libérer de quantité d’oblitérations dans la conscience, mais ces libérations n’étaient possibles (lorsqu’elles ne s’enfonçaient pas dans la pauvreté et la décomposition mentale) que par et pour un sujet. Sauf que l’on a cru véritablement que telle partie du monde ouvrait le monde même, dont Kant nous dit qu’il n’est pas ou pas accessible en quelque sens que ce soit.

Ce qui est accessible c’est la structure du sujet lui-même et pour Kant non pas dans la connaissance mais dans le sujet pratique et moral dont on éprouve, fermement, la possibilité ; la possibilité en tant que c’est cette possibilité qui existe (quand bien même tout le reste serait de l’être, la structure est l’exister et non l’être).

Non pas dans la connaissance parce que la connaissance est assise sur l’universel et que le sujet est antérieur à l’universel, antérieur au conscient ; antérieur en ceci qu’il est arc-ticulé sur le réel. Et il est articulé au réel par ses possibilités dans la perception, sur le corps, en tant que autre, raison pour laquelle l’esthétique crée un autre-corps, comme la poétique (le récit au sens large) crée un autre-vécu ; qui ne sont accédés que par l’effort. Et comme de juste un effort tout à fait spécifique qui n’est pas un effort du monde, du vécu ou du corps. Et qui rendit possible qu’il y ait ce que l’on nomme monde, vécu et corps.

Autrement dit ça n’est pas parce que l’on vit dans la structure (du sujet) que l’on doit abandonner tout le structurel et se focaliser sur les contenus soi-disant électifs ; et bien que détenir ou se tenir du sujet c’est ramasser absolument tout le structurel (puisque la structure est l’arc lui-même, qui se voulait selon la pensée ou dieu ou le sujet ; rappelons que le sujet selon le moi est le sujet cartésien et kantien, etc, mais évidé, évité, annulé, rendu blanc et neutralisé) c’est le piège, le mirage de la structure du sujet qui, étant lui-même parfaitement un (le un impossible), le piège que de tomber immédiatement dans l’erreur de tenir son contenu de réalité pour le réel ; or on a vu que le sujet se tient du Bord du monde et en aucune partie du monde, de même que l’arc de conscience n’est pas le conscient ni cette re-construction seconde qu’est l’inconscient (qui est décrit par un discours et ne se représente pas en personne, au point que psychanalytiquement c’est le sujet lui-même qui œuvre et non une intervention objective).

Or la loi morale opère quantité de détours, de dé-tours, double et triple tours, à partir du moment où chacun est livré au monde, ce qui veut dire délivré de l’option qui se donnait pour unique et exclusive et consistait à identifier morale et conscient ou universel ; les romantiques, les désespérés et nihilistes et grands sujets de toute sorte veulent élaborer au vif la morale accordée à ce nouvel état de fait, nouvel état du monde ou du moi (délivré par la révolution et livré à « soi », qui parait si naturel pour la raison et l‘humanisme selon l’universel, du besoin ou du désir, du communisme ou du libéralisme, de la « nature humaine », du corps-langage que serait « objectivement » chaque moi). C’est toujours cette morale profonde, ontologique, que veulent discerner Sartre et Lacan ; et c’est pour cela qu’il faut comprendre éthique ontologique comme « programmation de l’attention par elle-même ».

Ce qui est absurde, impossible, déraisonnable, hors  monde et hors humain, ce qui ne signifie pas inhumain (la zone dégagée par le sujet, qui n’est pas le moi, ouvre des possibles qui tout en respectant l’universel, sont justement les étranges déserts existentiels, les proto mondes esthétiques, les brutalités du rock, les espaces imaginaires de la Sf et du fantastique, etc, et évidemment des possibles mondes qui les accompagnent) ; l’attention, qui n’est rien, n’a rien au-dedans, ne peut pas se programmer elle-même ; on prévoit une partie du monde vers une partie du monde, non ce qui est indéterminé et formel ; les doigts ripent, la main glisse, on retombe toujours hors de l’indéterminé, vers une figuration, en telle représentation trop courte. Or pourtant c’est cette architecture de l’attention que dresse la pensée, l’esthétique, l’éthique, la politique, et la représentation de l’humain par lui-même au travers du déferlement mass et micro médiatique et tout autant le moi dans ses démêlés psychiques ; on transforme l’activité de l’attention, et donc du centre du cœur de la profondeur possible, lorsque l’on avance dans le kaléidoscope d’une œuvre, d’une hyper-pratique éthique (aussi étrange puisse-t-elle être), d’une révolution, d’un vécu individué de par le moi ; autant dire que la transformation de la réalité en réel est éprouvée par quiconque, selon le plus ou selon le moins.

La structure se fabrique, linéament par linéament, sur la paroi du présent, décidant de son kaléidoscope, reconstruit sans cesse au miroir, aux miroirs, des itinéraires précédents ; les images, les signes, les langages, les rapports tissés créent la structure, la forme, qui d’une part est toujours instantanément la même (rien dans le monde ne peut modifier la structure), et est toujours encore en devenir, en possibilité ; elle tisse la paroi de la réalité et du réel, la paroi du présent. On en a appris la pensée, le dieu et le christique, le sujet et l’altérité, la pensée et la raison, le singulier et l’universel, le sujet et l’altérité du donné là, l’individuel représenté et l’individué brut, le temps déployé et le présent strict.  

Pour le moment on est obligé d’en passer par les œuvres elles-mêmes, ce qui signifie de les lire, de formuler sa structure de conscience selon un-tel ou telle œuvre, ouvrage, mise en forme d’un arc de conscience atteint par le réel et accédant à sa structure, ou selon les éthiques ou les esthétiques, ou selon la révolution (on a voulu nous faire oublier que l’historicité, la nôtre, est révolutionnaire, activement). Sans qu’une pensée effective soit en mesure de discerner l’éthique elle-même de manière générale, et qui soit effectivement une éthique universelle de la singularité réelle. C’est donc ce qui est tenté par Nietzsche ou Heidegger ou Sartre ou Lacan, et d’autres avancées, et y compris de la part des mois eux-mêmes, surengagés et absorbés, débordés par leur vécu et leur corps, et jugeant souvent obscurément de l’humain et de l‘individuel, de leur existence et de l’historicité, et de l’exister brut. Mais en somme c’est par Sartre et Lacan que le sujet prend réellement forme, philosophiquement (la recherche des images traverse toutes les esthétiques et poétiques) sa forme excessivement au Bout du monde, des autres, du corps et de tout le reste. Parce que si l’on repère le Bord du monde depuis la méditerranée, on s’aperçoit au Bout du monde depuis peu, depuis que l’on a une vie, depuis la révolution.  

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