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instants philosophie

Le subjectivisme politique  

2 Mars 2017, 10:25am

Publié par pascal doyelle

C’est la loi du monde qui veut que tout ce qui est appartienne au monde lui-même et non pas à une extériorité, hors du monde, qui permette de juger et de réorganiser la réalité, en l’occurrence la réalité humaine. C’est le même principe qui pousse Fillon à se monter la tête en arguant de sa légitimité soit issue du sectarisme des primaires (autre procédé subjectiviste), soit d’une sorte d’illumination (il serait le seul à pouvoir sauver la France), le même principe qui considère comme tout à fait naturel et factuel l’économisme généralisé  totalitaire ; il n’est rien d’autre que l’économie et c’est son seul règne qui ordonne la totalité du réel ; l’histoire n’existe pas, la culture n’existe pas, la politique n’existe pas ni l’Etat, et enfin la nature n’existe pas, tout ceci littéralement. L’économise est dit totalitaire en ceci non pas qu’il ressemble au totalitarisme politique, mais en cela qu’il invente sa propre toute puissance, son propre mode de contrôle intégral de tout ce qui est, qui est relatif à ce qui apparait, à ce qui se dit (de sorte que l’on organise l’apparaitre général par les puissances). Si le réel n’existe pas, alors tout est rendu fantasmatique ; et les mois, tout un chacun, reçoit cette logique de plein fouet, que le réel n’existe pas, et tout-un-chacun devient fou, ou à peu près et irréel.

Le subtil c’est que l’économisme ne se contente pas de créer un fantasme de réalité qui dévore tout réel, c’est que l’économisme se fonde sur le nécessitarisme ; chacun sait que l’on pourrait produire suffisamment pour tout le monde (et ceci en restant raisonnable, cad en cessant de fabriquer quantité de tas de trucs qui ne servent à rien, qui produisent seulement de l’argent et sous couvert de fournir du travail aux chômeurs ou aux pays en voie de développement, qui sont en vérité hyper exploités et ce toujours afin de produire n’importe quelle connerie sans intérêt aucun), et chacun sait  que l’on fait semblant de demeurer prisonnier de la rareté, alors que de rareté il n’en est plus question en quelque manière que ce soit (mais bien que la rareté va redevenir la loi, est ce qui va s’imposer d’ici peu, du fait de notre inconséquente stupide, et qu’elle ne signifiera pas que l’on travaillera moins, mais que l’on va travailler plus pour de moindres, de beaucoup moindres résultats ; on n’utilisera plus de tracteur pour récolter les pommes de terre, on y passera 60h par semaine pour ramasser un pauvre cageot tout pourri).

L’économisme est fondé sur le nécessitarisme et ainsi figure, fantasme la réalité comme une pression constante, imagination complètement folle, soumise au pire du pire, au surmoi totalement débile, aveugle et sourd, un point noir qui absorbe et fait défaut (ce qui n’est pas pensé revient, en pire) qui commande les grands ensembles sociaux, dans l’inexpérience d’eux-mêmes, leur absence de vision, à partir de laquelle absence on ne peut plus même juger, puisqu’absente du champ, mais aussi chaque moi dans son intimité, dans son, ses désirs, ses décisions, ses intentions, et se formule une image, un principe de tout, qui est pénétrant, partout et constamment, et il n’est rien en dehors de cet étouffoir gigantesque, qui occupe tout le champ du regard, qui a éliminé toutes les réalités, tout dévoré et condamne chacun au champ étouffant de l’absence, du fanatisme ; l’économisme est un fanatisme de même que le djihadisme ou n’importe quel fantasme, c’est l’élévation au surréel par le subjectivisme délirant, qui est automatiquement et se donne impérativement comme objectivisme terrifiant parce qu’irréalisant, annulant la réalité et en l’occurrence l’économisme niant la réalité naturelle et humaine.

L’ensemble du flux de la richesse est réduit par milliards de tuyauteries jusqu’à produire une historicité réduite à son diamètre. C’est l’ensemble des investissements, potentiels, que capte un mini système irréfléchi, et qu’il détourne vers un surinvestissement (fut-ce comme spéculation ce qui est sa logique naturelle, irréelle) introduisant au monde-très-limité. Celui de son fantasme et celui qui viendra, par épuisement.

Le fantasme décide des contraintes, les crée, les produit, et négligeant les vraies contraintes, celles de la réalité humaine, individuelle, ou sociétale ou naturelle ; affichant des collections de « mesures », de « contrats », de colmatages. De même chacun a pour horizon de développer sa propre et seule capacité ; que cela soit un bien est une chose, que cela soit le seul Bien imaginable est un décrochement du réel. Le subjectivisme parait et offre réellement à tout un chacun un laps de temps, de possibilités, de réalisations et ouvre de cette manière un déploiement des capacités qui furent le 19éme et surtout, démocratiquement, le 20éme (dont les fameuses années 60, la lutte des classes occupant tout le 19éme et début du 20éme), mais impose son trou noir ; entendant, en possédant la logique subjective, retrouver partout et indifféremment ce subjectivisme comme seul organisationnel de toute la réalité. Il n’a d’autre ressource que de s’enferrer dans la continuation de négation du réel. Le seul liant est ce qui délie et désorganise, ce qui retourne son efficace et ce qui épuise.

La dette et autres pressions du surmoi délirant : si ceux qui se doivent (par leurs impôts) à la collectivité, à l'universalité et à la cause et caisse communes, payaient ce qu'ils nous doivent ou ce qu'ils s'accordent on ne sait de quelle supériorité, il n'y aurait pas, plus de dette. Le système même de la dette suppose qu’il existe comme une sorte de droit suréminent qui contiendraient la richesse que  seuls les puissants détiendraient, alors que la richesse est ce que l’ensemble et chacun créent. On imagine des tas de justifications à ce droit suréminent, lequel est légitime mais non pas en soi ; il est légitime par délégation et non par immédiateté autonome. Et non content de prélever un surcroit de richesse, le système invente de créer purement et simplement une richesse vide et absente, la spéculation et les taux d’intérêt exorbitant, qui lui permet de circuler hors de tout champ, aboutissement logique de son subjectivisme.

Ceux qui prélèvent selon la privatisation, une quote-part, nous le doivent, d’abord ; c'est une exception et non une règle qui par décret divin leur octroierait le droit imprescriptible d'accaparer le maximum qui se puisse ; que cette exception, de propriété privée, soit une nécessité d’investissement, veut dire qu'elle doit être encadrée et non pas qu'elle devienne la loi elle-même ; la loi appartient à la loi, pas aux individus. Sans cette loi universelle il n'est aucune individualité possible parce qu'il n'est aucune individualité qui vaille. L’argent, la capacité d’investissement, captée par les puissances est tellement gaspillée et investie à tort, que la soi-disant efficacité livrée à elle-même de l’appropriation privé est une illusion en plus d’un mensonge ; elle a fonctionné un temps comme principe, mais perd de son efficacité précisément de s’appliquer à l’ensemble et de continuer sa seule logique bien au-delà de son rayon d’action, historique et énergétique, en se substituant à toute prévision du réel humain et naturel ; une partie du réel se prend pour le tout de la réalité. Non de ce qu’elle ait à décider, ce qui est légitime en son champ, mais de ce qu’elle soit seule à décider, sans intelligence aucune, et qu’il n’existe plus au final qu’une seule dimension de la réalité, privatisée.

Le subjectivisme est alors non pas la réduction à la vision « subjective », mais l’absence et de l’universel, du collectif, et du naturel et des vraies contraintes. Et individuellement, en plus de son absence collective, le subjectivisme ne signifie pas limitation au moi mais la réduction du moi et de l’humain à l’immédiateté, incapable de réguler le fantasme et incapable de prévoir et d’organiser, et incapable de se vouloir, de dominer les nécessités et de dominer ses fantasmes (qui seront nourris et accélérés par le fantasme dés-organisationnel).

Que l’on ait en somme cessé de vouloir une société humaine complexe et étagée, diverse et répartissant la richesse, que l’on ne sache plus « quoi » produire et que l’on produise tout et n’importe quoi, que l’acculturation, l’éducation ait atteint un plafond de verre, que l’on fonctionne non en créant de nouvelles théories, prospectives, mais en reproduisant les anciennes, simplement durcies et systématiquement schématisées, que les puissances soient installées comme rond-point et sens unique de la réalité auxquelles rien ne s’oppose, signant la fin de la démocratie, que les élites soient dans l’incapacité intellectuelle et la pauvreté de volonté, qu’il n’y ait aucun consensus de quoi que ce soit parce qu’aucune distinction compréhensible, aucune théorie pensée, aucune pensée tout court, de quoi créer une représentation de soi de l’humain, du monde donné, veut dire que la simple immédiateté sans intelligence nous absorbe par le dedans, nous coule et nous tire vers le fond, le minimum basique, la facilité. Le subjectivisme est non le sujet (cad l’articulation universelle et singulière) mais le stupide amas, l’agglomérat de déterminations sans liaison. L’agglomérat, sans unité, est ce qui disparait, ce qui s’effiloche, se dissout.

Rappelons que l’ensemble du dispositif est effectivement efficace ; il est né de et par l’accélération produite par la pensée, par la raison, par la liberté, par l’égalité et l’humanisme et ensuite la personnalisation accélératrice au sein de l’humanisation ; il est né de et par la réflexivité, mais il a stationné historiquement et s’est gorgé de sa propre réussite et ce ne sont pas les bases réflexives qui sont en cause mais la limitation à une version réduite de la Révolution, au gel de l’historicité et du développement, à l’accaparement par une branche de la réalisation humaine qui s’imagine comme le tout lui-même, alors que le tout du déploiement est beaucoup plus ample et requerrait une ou de véritables visions et non pas une visualisation de petites mains. La question est d’élever la complexité atteinte, alors que visiblement nous sommes déjà écrasés et incapables de gérer la complexité acquise.

c'est parce qu'il n'est pas de vision, du rôle, de la finalité, de la possibilité, de la puissance de l'humain dans le réel, dans "ce qui est", qu'il n'est que de vagues visualisations inopérantes; 

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