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instants philosophie

​​​​​​​Bonheur rêvé et satisfactions toutes bues

13 Janvier 2018, 09:36am

Publié par pascal doyelle

On a tout abandonné ; dieu, la pensée, le sujet ; et on a eu raison puisque ces configurations de structure devaient dans la réalité s’incarner, s’incorporer, créer la densité, la détermination suffisante ; on a donc inventé la naturalité pour remplacer dieu, la raison pour la pensée, et l’humanisme et le moi pour le sujet.

Evidemment on n’a pas récupéré les anciennes configurations et leurs ampleurs in-finies, autorisant des stratégies, les arcs de conscience comme outrepassant la réalité. Et on s’est presque enfermé dans cette réalité nouvellement rendue par l’humanisme rationaliste naturaliste, abandonnant le réel comme structure ; n’en demeure plus que le minimum viable à savoir le sujet mais rendu abstrait (débarrassé de l’infini jouissance de Descartes et de sa limite interne ; la jouissance c’est dieu, pas nous, lui seul est suffisamment ardu pour sup-porter le réel, au propre et au figuré, il le supporte et il le porte) et réduisant constamment la possibilité structurelle pour une image, un fantasme dans le monde, le vécu et le corps, cad un fantasme remplaçant tout (abandonnant presque même Kant et le support universel de l’individualité morale, sous entendue intentionnalisatrice, ignorant le cadre universel sans lequel pourtant il n’y aurait pas de moi possible, mais le moi se croit seul et autonome et donc sans réflexion aucune), puisque c’est le regard en son fond qui remplace tout : il ne reste plus que de pauvres mois, une organisation universelle vague et démantelée, une angoisse corporelle et une dépression structurelle (la naturalité n’explique pas l’insatisfaction qui nous prend alors que tous nos désirs aboutissent dans ce monde humain des mois, cette personnalisation qui voudrait se saisir comme identité, mais enveloppée par la structure indifférente de conscience et de présent purs et bruts) et puisque le fantasme a remplacé le réel, et que la réalité, elle, nous conforte dans ce fantasme (on réalise tout ce que l’on veut, désire) les conséquences de cette irréalité ne tarderont pas à s’imposer ; le fantasme épuise les mois (ils veulent être « heureux », ce qui revient, dans le monde, à s’exténuer dans les images du bonheur, puis de la satisfaction, puis d’une sorte de perversion généralisée ou de dépression constante) et le fantasme épuise le monde, le donné, les choses, les êtres.

Les images du bonheur investissent ontologiquement des parties du monde, du vécu ou du corps, mais la réalité ne peut pas admettre le réel, ce qui veut dire que l’ontologique est ontologique et non pas donné dans le monde ; le réel est ce qui Borde les réalités et « la » réalité n’est pas, il n’existe que des réalités, diverses, multiples ; investir le bonheur (en fait non cet équilibre que l’on entend idéalement mais le bonheur qui s’est transformé en satisfaction, hargneuse, dégoutée, hallucinée, et donc en satisfactions, au pluriel, indéfini, girouette, fournisseur d’images) c’est croire que l‘ontos va nous revenir sous la forme du monde, mais l’ontos est la forme du monde et non les parties du monde (le monde en soi n’existe pas, n’existent que des parties, Kant).

La révolution humaine (dite démocratique, soit celle qui installe la liberté de chacun et l’égalité, du moins la révolution française, qui crée cette dynamique au fil de l’historicité) qui veut le bonheur pour l’être humain, surinvestit la réalité en oubliant le réel (puisque dieu, la pensée ou le sujet ne peuvent pas créer ici même un tel monde humanisé, il fallait traduire et donc inventer ce monde et cette humanité et cette personnalisation de chacun) cette révolution (qui est devenue mondiale, de fait), cette révolution humaine a non seulement inventer un monde, physique, mais une idéologie (non péjorativement) et cette idéologie nous bouge la vue ; en abandonnant la limite ontologique (que le réel est plus grand que la réalité et que l’on ne retrouvera pas le réel dans la réalité, la jouissance dans la satisfaction, le sujet dans le moi, l’arc dans ses contenus), on a désiré que la satisfaction soit pleine et entière ;

Lorsque la philosophie nous entretient de métaphysique (comprenant que l’intentionnalisation du monde lorsqu’elle sort des groupes humains, doit penser par elle-même et faire référence non à l’expérience collective enregistrée dans les groupes mais à l’expérience individuée au cœur du monde et que les idées, les intentionnalisations, augmentent, décuplent les perceptions et les possibilités et cela c’est la métaphysique)

puis d’ontologie (lorsque l’on passe des intentionnalisations, idées et systèmes, à « cela qui produit » des idées, et donc au sujet, à la structure intentionnelle, depuis Descartes, Kant, Husserl, Sartre, Lacan, et « cela qui produit » est une structure et cette structure est l’ontos lui-même ; l’articulation arc de conscience/présent ou en interne stratégie/tactiques, ou intentionnalité/intentionnalisations)

la philosophie nous montre le mouvement lui-même ; à savoir qu’il existe un Bord du monde, du corps, de la pensée, du vécu et que c’est le Bord qui intentionnalise ;  qui relève donc de son propre champ qui n’est absolument celui de l’objet ; la philosophie n’a jamais fondé une objectivité, mais l’être ou le un ou dieu ou le sujet ou la volonté ou l’Etre ou la structure (Sartre, et Lacan la jouissance) ; c’est la majorité qui a traduit cette réussite (d’avoir extrait notre structure et imposer qu’il ;y ait intentionnalités démultipliée mais à partir de l’intentionnalité structurelle) en projets naturaliste et mondains ; ce qui est judicieux mais insuffisant ; tomber dans les intentionnalités sans tenir l’intentionnalité, est un enfermement.

Mais peu importe, puisque nous sommes entrés dans l’ontologie même ; non pas l’ontologie comme discours spécial dans la métaphysique, mais dans l’ontologie réelle ; que l’exister commande, tout.

Si nous étions capables de maintenir à la fois le réel et les réalités nous serions bien plus intelligents, intellectifs, réfléchis ou plus précisément réflexifs, arcboutés ; mais nous sommes limités apparemment à n’engager possiblement qu’un seul plan. Et celui qui fut choisit c’est celui du monde, du vécu et du corps, attendant la jouissance, mais n’obtenant que des plaisirs, des satisfactions au fondement du vivant, et non pas des extases architecturées structurellement. Et si jusqu’alors on ne se visualisait que via la religion, ou précédemment encore selon tel ou tel groupe, on a voulu situer et ordonner  l’articulation (le retour par lequel nous nous positionnons nous-mêmes) par l’Etat et la démocratie et l’idéologie naturaliste humaniste et rationaliste concomitante ; chacun est en position réfléchie mais seulement sur son être propre, et l’Etat en coordination mais sans évidemment de programme interne (on a cru un temps d’abord que l’Etat se devait à la nation ou à cet autre programmatique que fut la révolution, sans parler des remplissages délirants de la forme étatique que furent les fascismes et autres retours magiques), mais de réflexivité externe à tout l’ensemble il n’en existe pas. De sorte que l’on se réduit à des tactiques (et même aux pires tactiques qui soient) mais incapables de stratégies.

La régulation kantienne, qui est celle de la révolution, est impuissante puisque ce qui aurait du être réglé, par la loi universelle, est en fait antérieur à cette loi et à son énonciation, inatteignable par la loi ou la raison, de sorte que l’universel semble abstrait et extérieur et le moi concret et dense ; aussi Sartre et Lacan recherchent-t-ils dans cette antériorité, sous la surface vers ce qui crée la surface, le champ lui-même en lequel est inventé l’universel d’une part mais qui crée aussi d’autre part la capacité qu’il y ait une historicité, une humanisation et un moi et un corps :  qui sont les systèmes et descriptions même de Lacan et Sartre.

De là également que le cadre universel et l’humanisme aient été dépassés du  dedans par la société civile, la techno-productivité, le libéralisme en ses versions et l’engouement personnaliste, qui a tout absorbé. Le champ d’une conscience dans un moi est bien plus vaste et concret que le champ ouvert par l’universel, et pourtant le moi est impossible sans la dimension universelle et les libertés ne se maintiennent que si elles se retrouvent par égalité les unes et les autres. Sans doute un tel monde humanisé et ensuite personnalisé n’a été possible que via les énergies fossiles, qui rendaient accessible quantité de réalisations, mais avec les mêmes énergies fossiles un autre monde aurait pu se coordonner bien plus adéquatement et sans perdre le réel des réalités, fourvoyées en fantasmes exubérants et proliférants.

Ce ne sont pas les technologies ou les performances qui sont en cause mais leurs destinations, ce que l’on en fait et à quels désirs elles sont soumises ; à la conformation d’un monde halluciné et hors sol, qui n’ayant aucune mesure et aucune règle quant au réel, qui fantasme les réalités et ce en pure perte, poursuivant des fantômes, puisque l’arc de conscience n’a qu’une seule destination l’arc du présent comme engendrement.  

Et c’est ce qui revient dans le psychisme des mois, à la surface des corps ; comme si les addictions devaient pénétrer le corps lui-même qui cesserait alors d’être une surface (susceptible de signes, à tous les sens du mot) pour s’identifier à un « être ». Les mois rêvent leur identité ; l’être, cette fantasmagorie, n’a aucun autre fond que l’imaginaire concentré ou dilué, la substance rendue imaginairement, qui n’existe qu’imaginairement ; on s’imagine être heureux, mais on ne l’est jamais, puisque la structure n’est pas de l’ordre du monde, et l’affect de cette structure n’est pas le bonheur.

L’affect de l’exister pur et brut

Il n’y a aucun mot pour signifier l’affect de la structure qui ex-siste… Sinon ex-stase, ex-statique ; pur mouvement, brutal déplacement qui contient en deçà de lui-même tout le reste. C’est littéralement ce que porte jusqu’à nous la recension de Rimbaud, l’enfer et les illuminations ; certains chercheront l’enfer, d’autre l’illumination ou un peu des deux ou vaguement quelques échos en telle ou telle œuvre ; Céline est brutalement infernal, c’est un fait. Joyce attend l’extase, explorée en toutes les recensions à sa disposition, mais il n’y a que cela, partout. Mozart pouvait encore attendre la révolution et l’universalité du corps humain heureux gravement en miroir les uns des autres, mais Hendrix ou les Stones ou Led Zep plongent intégralement dans le corps brut, profondément jouissif (image en écho de la jouissance et tout autrement, mais dont on a dit qu’elle était réservée à dieu pour Descartes ; la vérité est qu’ils inventent le jouissif, l’ex-stase et non la jouissance, atteinte de par soi, accès au divin par ce corps, et donc sur-divin, et on le sait puisqu’on les aime. Evidemment ce qui vaut pour les Stones vaut pour quantité d’autres ; puisque le sujet, la structure, une fois exposée prolifère en sujets, tous distincts).  On a atteint la base même de la présence en un corps, de ‘cela’ qui n’est pas un corps. Hors du monde et qui n’est pas un corps. Chacun sait bien qu’il n’est pas ce corps mais le regard qui regarde le corps, le regard inexplicable : on ne sait pas de où sort ce regard et on ne sait pas ce qu’il veut. C’est la plus totale et la plus grande angoisse qui soit. On plonge et on se perd de vue, on est vu-su-perçu on ne sait pour quoi.

C’est ce regard que voudrait attraper le moi dans son tomber-amoureux (rappelons qu’il s’agit pour lui de la plus grande expérience à laquelle il a accès – le sujet est plus étendu que le moi) et donc il s’y soumet. Pareillement attrapé par l’Exister pur et brut, l’arc de conscience en est saisi et ne le saisit nullement ; c’est l’arc du présent qui lui vient au-devant. Le présent subsume intégralement tout l’expérience en une fois ; le présent est ce en quoi résident toutes les réalités du monde, du vécu et du corps, du corps rendu Autre. Si l’on interroge le tomber-amoureux il s’y mêle de tels investissements que ce débordement est précisément et obscurément ce que le regard-dans-le-moi attend, attend de l’Exister.

Il est cependant apparent que les techniques, les technologies mentales (dieu, la pensée et le sujet), les hyper ou méta investissements non du moi (qui en est bien incapable puisqu’il croit être) mais du sujet-dans-le-moi (qui ex-siste, sort-de sans raison procédurale) se sont avancées bien plus loin dans l’articulation-au-réel. Le tomber-amoureux est tout ce qu’il reste d’espérance, d’attente et d’atteinte pour un moi engoncé dans l’idéologie rationaliste-humaniste-naturaliste (que pourrait-il attendre d’autre ? La révolution est loin, très loin, et elle réclamait l’universel ce dont un « moi » n’est plus capable du tout). Ici et là se soulèvent instantanément des sujets.

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