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instants philosophie

Ce qui vient au monde

16 Septembre 2009, 14:04pm

Publié par zward

Qu’il puisse arriver quelque chose, le moi psychologique n’y croit pas. Ou plutôt il y croit trop. De sorte qu’il investit une désillusion continuelle.

Que l’on puisse mesurer et approvisionner « ce qui se passe » et conséquemment « ce qui arrive », c’est précisément la loi philosophique qui nous l’enseigne.

Le moi psychologique, la personnalisation, cette fonction humaine dotée d’un vécu et d’opérabilités plurielle, qui est une grande invention du 20ème, sinon la plus seule, s’agite énormément. Mais son activité se tient dans et vers des objets ; même lorsqu’il entreprend de se perfectionner, ce seront des objets internes à son intentionnalité, à son attention. Il ne vient pas jusqu’à remodeler cette attention même. L’œil perçoit, mais ne se perçoit pas lui-même ; dans un miroir, c’est un objet qu’il observe, il est déjà replié par-delà son observé.

Or donc, la philosophie atteint « cela qui voit », l’acte lui-même et le nomme. Il est bien évident que c’est difficile ; c’est par des détours que l’on saisit cela-même qui saisit. Par une reconstruction opérative, et étrangement cette saisie de ce qui saisit, crée elle-même son être propre ; elle invente.

Elle invente quoi ?

Un réel. Une unité réelle. Qui ne tient que via les signes très serrés qui l’énoncent ; ça se montre (à soi-même) en le parlant, l’inscrivant via des signes. Un tableau ne montre pas un objet peint. Il fait-voir le regard qui compose le tableau ; et par conséquent en cause pas seulement de ce qui est re-présenté, illusoirement, mais montre les signes qui indique comment regarder (cette fois réellement puisque si ça n’est pas une pipe, ce sont, de fait, des signes bien réels). Or donc, ce que ça montre, ça n’est pas vraiment une pipe « interprétée » ; ou comment regarder tout court le monde, les objets, les paysages ; enfin si, ça donne à entendre quelque chose du monde, mais surtout ça existe en soi. Ça montre la variabilité de notre perception ; et que celle-ci existe en signes, comme on dit « en situation ». Elle se tient, la perception, dans l’interstice des signes ; encore faut-il que l’on y croit.

Si l’on ne prédispose pas à exister soi-même comme signes,(sons, couleurs, lignes, mots, fibrillations d’intentionnalités subtiles, légèretés indispensables, complétudes et incomplétudes des nuances), on n’en perçoit rien du tout ; on reste ce demeuré qui ne s’existe que d’objets, posés, là, dans le monde, et soi-même on n’est qu’un ensemble tuméfié inassouvi.  

Et si l’on répercute la perception à l’ensemble de ce que l’on est ; on ne parle plus seulement de cette capacité là, perceptive, des sens eux-mêmes qui se dévoilent une étendue, durée, esthétique ; mais de tout l’être en toutes ses variations possibles, on obtient un devenir de « ce que l’on est » si démultiplié que 14 000 vies n’y suffiraient pas.

C’est que l’on ne sert plus des mots pour désigner bêtement des objets (externes ou internes, dans la tromperie monstrueuse du moi psychologique qui croit qu’il existe) ou au mieux des choses (inquiétantes), mais il s’aperçoit que les mots font exister des papillons indéfinis qui survolent la moindre, non plus seulement perception, mais la plus petite intention, intentionnalité ; la plus infiniment vague pensée, image, imagination, émotion, toucher, nose, craquelure des apparitions, jusqu’à l’apparescence elle-même ; le mode d’être des apparitions elles-mêmes, de « ce qui vient au monde ».

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